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Les entreprises françaises répugnent à embaucher des plus de 50 ans alors que l'Europe, en moyenne, compte plus de seniors en activité.



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> La retraite à 55 ans pour tous







> Derrière les chiffres du chômage, la nécessaire réforme du marché du travail







Repousser l’âge de la retraite est assez logique dès lors que l’espérance de vie a considérablement augmenté : dans les années 60 la retraite pour un homme avait une probabilité de durée de moins de 10 ans, de près de 15 ans dans les années 80 et aujourd’hui près de 20 ans, voire plus. Certains auront la chance d’avoir une retraite très longue puisque la probabilité de vivre centenaire n’est plus un cas d’école. L’Insee estime qu’en 2060 la France devrait avoir près de 200.000 centenaires, soit 10 fois qu’aujourd’hui et 50 fois plus qu’en 1990.







Donc quoi de plus compréhensible pour préserver l’équilibre entre cotisants et pensionnés que prolonger la période dite active. Cela d’autant que beaucoup d’autres pays de l’OCDE ont déjà dû s’y résoudre. Mais cette question en soulève une autre qui est celle de l’employabilité de ces seniors.







Regardons les chiffres du chômage. Selon l’Insee, le nombre de moins de 25 ans sans emploi est en baisse de 6 % sur 5 ans et en hausse de 9 % sur 10 ans. Le nombre de 25 à 49 ans sans travail est en progression de 12 % sur 5 ans et de presque 19 % sur 10 ans. Et du côté des plus de 50 ans, le chômage explose : +34 % sur 5 ans et +73 % sur 10 ans (graphique joint).







Plus de 1 senior sur 2 sans activité



Les données collectées par Bruxelles montrent l’ampleur du désastre du rejet des 55-64 ans par les entreprises. Selon les statistiques européennes, en 2013, plus de 1 sur 2 n’avait pas d’activité professionnelle. 45,6 % travaillaient contre 50,2 % en moyenne en Europe. On est très loin des niveaux constatés en Allemagne (63,5 %), en Suède (73,6 %), au Royaume-Uni (59,8 %), aux Pays-Bas (60,1 %). On observe cependant une petite amélioration (+7,4 points en 5 ans en France, vs +10 points en Allemagne).







Donc une énième et inéluctable réforme des retraites – dont le gouvernement ne veut pas entendre parler pour l’instant – consisterait, n’en doutons pas, à transformer plus de seniors en chômeurs, avec une indemnisation plafonnée à 3 ans, ce qui ne manquerait pas de générer une nouvelle génération de seniors au RSA. En somme, une nouvelle réforme des retraites conduirait à rééquilibrer les régimes de retraite… et à plomber les comptes des Assedic et des conseils généraux, principaux financeurs du RSA. Lesquels devraient trouver de nouvelles ressources…







Pourquoi ce particularisme français ?



L’OCDE a suggéré à la France d’adopter des contraintes et incitations pour protéger les seniors. Mais le vrai débat est ailleurs : pourquoi notre pays rejette à ce point le savoir-faire, la transmission du savoir aux jeunes, l’expérience ? Pourquoi la France est-elle tant destructrice de matière grise ? Cela alors qu’en Allemagne les entreprises associent facilement les seniors à la formation des jeunes et valorisent l’expérience.







Le gouvernement croit trouver la solution avec de nouveaux emplois aidés pour seniors (les contrats de génération). Mais la question clé est de savoir pour quelle raison en France "celui qui sait faire" n’a pas de valeur. Pour quelle raison le senior est jugé rentable en Allemagne alors qu'on le trouve coûteux en France ?







Selon une récente enquête de l’association "À compétence égale", le critère de discrimination majeur imposé par les entreprises est l’âge et l’explication première est le "coût d’un senior". Le coût, alors que dans d’autres pays on va raisonner "investissement" en misant sur la connaissance par les anciens des techniques et des marchés. Ainsi l’expérience semble avoir une forte connotation négative en France !







Faible taux d'emploi



Le constat est encore pire lorsqu’on regarde le taux d’emploi des 60-64 ans qui est à un niveau dramatiquement destructeur de valeur en France : 23,3 % (selon Eurostat, 2013). Ainsi près de 80 % de ce gigantesque réservoir de savoir-faire est mis au rebut dans notre pays. Un constat d’autant plus choquant que la France affiche un haut niveau de dépense publique consacrée à l’éducation (en 2013 5,7 % du PIB vs 5,25 % en moyenne européenne, 5 % en Allemagne) !







Certes, le taux d’emploi des 60-64 est en progrès (16,3 % il y a 5 ans), mais on est loin des 34,6 % de moyenne européenne et surtout des 65,4 % de la Suède, des 50 % de l’Allemagne, des 47,4 % de la Hollande, des 46,5 % du Royaume-Uni… !







Parmi les grandes nations économiques, la France est de très loin le pays qui rejette le plus ces seniors, le pays qui ne valorise pas la matière grise.







C’est encore pire sur la tranche d’âge des 65-69 ans, avec un taux d’emploi de 5,2 %, moitié moins qu’en Allemagne, près de 4 fois moins que les Anglais ou les Suisses, 5 fois moins que les Norvégiens ! Rappelons que la retraite à taux plein se prend désormais à 67 ans en France.







Faut-il voir dans ces chiffres une explication, entre autres, aux mauvaises performances de notre économie ? La France est une exception internationale dans ce rejet des seniors, les entreprises sont-elles pour autant plus performantes, plus productives ? Le débat mérite d’être relancé alors que la course du Rhum vient d’être gagnée haut la main par l’un de ces seniors, Loick Peyron, 55 ans. France, pourquoi méprises-tu des seniors ?







Jean-Denis Errard / Journaliste et spécialiste des questions de gestion de patrimoine, collabore notamment à Enjeux Les Echos

France, pourquoi méprises-tu tes seniors ?.
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